La Bible est-elle contre l’homosexualité ?

Revue TENOUA - avril  2015

► Lev. 18, 22 : « Ne cohabite point avec un mâle, d’une cohabitation sexuelle : c’est une abomination. »

► Contexte : le verset du Lévitique, chapitre 18, verset 22, est souvent invoqué pour montrer l’hostilité de la Bible  envers l’homosexualité. Qu’en est-il vraiment ? EN 2015, dans un numéro spécial de la revue TENOUA consacré à ce sujet, le rabbin Delphine Horvilleur m’a demandé ce que je pensais de ce texte.

► Mon texte

Il y a trois stratégies face à ce texte.

Tout d’abord le degré zéro de l’interprétation – mais c’en est une : la lecture littérale. Dans sa version brute, elle n’a pas grand-chose à ajouter, tant elle est certaine de sa « lecture CQFD ».  Dans sa version sophistiquée, on verra ce littéralisme se fendre d’un petit air contrit pour décliner son « non possumus » : désolé, camarade homosexuel, aussi loin que puissent aller mes sympathies à la cause, il n’y a rien à faire : C’EST MARQUé  DANS LA BIBLE !

Deuxième stratégie : l’érudition. Par une dose massive de scholarship, de relativisme historique conjugué au « Sitz im Leben » (étude du contexte de vie), on élargit le propos, on réduit sa portée, on contextualise, bref on « amollit » le verset, on le travaille au corps pour démontrer qu’il réfère en fait à l’homosexualité rituelle, ou aux relations violentes entre non-égaux, ou encore à l’humiliation et au dénigrement, autrement dit, qu’il concerne tout sauf l’homosexualité telle que nous l’entendons (le beau responsum de Joel Roth – CJLS 2006 -- se fait le relai des travaux érudits des trente dernières années sur la question).

Thèses parfois brillantes, peut-être même convaincantes.

Jusqu’à un certain point.

Car cette stratégie de la chirurgie érudite esquive selon moi le fond du problème, qui exige de prendre ses responsabilités face au texte. Se dédouaner de cette responsabilité en noyant le verset sous un déluge d’érudition, lui appliquer toutes sortes de compresses interprétatives pour prétendre lui faire dire le contraire de ce qu’il dit, certes, nous rabbins nous y entendons. En l’occurrence, cependant, ce trop-plein de Wissenschaft (dont les résultats demeurent, tout au plus, conjecturaux) frise selon moi la mauvaise foi. Je veux parler ici de la troisième stratégie, celle, précisément, de la responsabilité : face à certains versets, et Lev. 18, 22 en fait assurément partie, je préfère reconnaître qu’il réprouve bel et bien l’homosexualité. Mais qu’il exprime un état de connaissance et une mentalité que nous ne reconnaissons plus comme les nôtres. Soyons clairs : que nous ne souhaitons pas reconnaître comme la nôtre.

On le voit, il s’agit ici non de la simple interprétation d’un verset, mais d’un principe global de méta-interprétation, d’une attitude globale de lecture et de responsabilité face au texte. Pour le dire très simplement : ce texte est nôtre, mais nous avons le droit de ne pas être d’accord. Alors, tous mes respect à Lev. 18, 22, mais bienvenu à Deut. 30, 12 : « [Cette Torah] n'est pas dans le ciel, pour que tu dises: "Qui montera pour nous au ciel et nous l'ira quérir, et nous la fera entendre afin que nous l'observions?" ».

Y. B. / Revue TENOUA

«  La Bible est-elle contre l’homosexualité ? Commentaire sur Lev. 18, 22 »                

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