PERSPECTIVES ACTUELLES

Il faut que les juifs vivent !

· 2018

Ce samedi matin 27 octobre, à 10 heures, un homme est entré dans une synagogue de Pittsburgh portant le nom de "l'Arbre de Vie". Il a vidé les chargeurs de son AK47 et de ses armes de poing en criant "tous les juifs doivent mourir". Les fidèles rassemblés s'apprêtaient à célébrer, lors de l'office de Shabbat, la nomination d'un bébé. Un acte de foi, un acte de vie qui unit l'homme à son créateur.

La haine d'un fou, d'un raciste, d'un "malade mental de l'antisémitisme" a fait onze morts. C'est l'attentat antisémite le plus grave commis aux Etats-Unis, nous informe-t-on. Toute personne sensée, sensible, "normale", a exprimé de par le monde son dégoût, son sentiment d'horreur et condamné la haine antisémite. De manière unanime, tous ont appelé à la combattre.

Soit.

Soit, mais ce samedi matin 27 octobre, à 10 heures, je célébrais en tant que rabbin la nomination d'une petite fille, une petite Maya dans une synagogue de l'est parisien. De nombreuses personnes de toutes origines, juives et non juives, participaient à l'office. Ce fut un moment de joie, de beauté et d'élévation, de confiance en l'humanité et en ce que l'homme a de meilleur: porté par les valeurs qui lui ont été transmises, sa capacité à affirmer la vie, le respect de la vie, et à partager celle-ci avec ses frères humains réunis devant leur créateur.

Alors. Alors au-delà de l'horreur, au-delà de notre immense compassion pour les victimes, pour leurs proches et pour la communauté juive de Pittsburgh, la question qui se pose, maintenant, la question qui nous incombe, c'est: dans quelle monde Maya va-t-elle vivre?

Dans quel monde allons-nous la laisser vivre?

Quel monde allons-nous construire pour que Maya ne connaisse plus l'antisémitisme, et dans 20 ans, à Pittsburgh ou ailleurs, elle puisse en toute confiance, sécurité et amour de son prochain, transmettre à son tour ses valeurs?

L'antisémitisme tue. Les statistiques nous le font savoir depuis très longtemps.

"L'acte d'un fou" n'est pas une réponse acceptable. Car si les fous sont fous, ils vivent aussi dans des éco-systèmes: les nôtres. Qui les laissent exprimer leur folie jusqu'au passage à l'acte. Quelques heures avant, le tueur avait annoncé clairement son intention sur un réseau social où pullulent les discours antisémites et suprématistes. L'antisémitisme tue, parce que la parole tue. Qu'attendons-nous pour tarir tous ces sites où s'expriment la haine au grand jour?

Une polémique odieuse est par ailleurs en train de naître sur l'absence d'un garde armé à l'entrée de la synagogue. Sommes-nous insensés à ce point pour ne pas voir que le problème se situe dans le libre port d'arme, qui place dans les mains de l'antisémite les moyens de laisser libre cours à sa haine?

Le ministre de l'intérieur, Christophe Castaner, a annoncé un renforcement de la sécurité pour toutes les synagogues de France. Même si nous savons que c'est impossible, ceci est juste. Ceci est nécessaire. Mais surtout: ceci est-il suffisant?

Ce qu'il nous faut, maintenant, c'est prendre le problème de l'antisémitisme à bras le corps.

En parallèle de toutes les mesures sécuritaires, il nous faut investir dans un programme massif d'éducation contre l'antisémitisme à l'école. Cela sera de longue haleine, cela prendra vingt ans mais c'est le cœur du problème. Ne plus accepter que l'antisémitisme soit dénié dans les collèges et les lycées, que l'antisionisme serve de couverture acceptable pour l'antisémitisme, que les enseignements sur la Shoah soient très souvent éludés pour ne pas froisser les sentiments supposés de telle ou telle communauté.

A l'heure où l'Intelligence Artificielle nous promet monts et merveilles, à l'heure où les nouvelles utopies de l'éducation ne parient plus sur la transmission des savoirs, mais sur un homme "agile", dégagé de tout héritage pour mieux s'adapter au monde fluide de demain, il est un solide et hideux savoir qu'il est urgent de rappeler et de transmettre: l'antisémitisme est l'une des plus vieilles passions humaines. Ici, le big data ne nous aidera en rien pour tuer la bête immonde!

Recueillement pour les victimes. Compassion. Prières pour ceux qui peuvent, espérance pour tous.

Mais aussi: lutte féroce. Détermination. Zéro tolérance envers les clichés, envers le racisme et la haine, la haine des juifs en particulier.

"Qui tue un homme tue l'humanité tout entière" dit le Talmud. Onze personnes humaines, onze voies possibles pour l'humanité ont été assassinées au nom de la liberté de parole et du port d'arme.

Agissons! Eduquons! Investissons massivement dans l'éducation!

Le respect du prochain doit être le monde de Maya.

Et il faut que les juifs vivent.Pitch = Ce qu’il nous faut, maintenant, c’est prendre le problème de l’antisémitisme à bras le corps

 / le 29-10-2018 /

Mes articles pour le Huffington post – lien général : https://www.huffingtonpost.fr/author/yann-boissiere

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