PERSPECTIVES ACTUELLES

Judaïsme et laïcité

· 2016


Dictionnaire engagé de la République

► Contexte : en 2016, un éditeur parisien a eu pour projet de faire appel à de nombreux auteurs pour constituer une « Dictionnaire engagé de la République » (tel était le titre du projet). J’ai, quant à moi, fourni à sa demande un texte sur les rapports du judaïsme et de la laïcité. Ce dictionnaire, à ma connaissance, n’a jamais été publié. Voici le texte que j’avais prévu de livrer.

Si la modernité politique, fondée sur les théories du contrat formulées au 17ème et 18ème siècle, a exclu par principe les préoccupations métaphysiques des affaires publiques, il est de bon ton de considérer qu’elle a dû lutter, pour cela, contre la théocratie.  Cette pensée n’a elle-même été possible que parce qu’une stricte distinction avait été préalablement établie, notamment par Spinoza, entre philosophie et théologie. La théologie perd chez Spinoza toute vocation à exprimer une recherche de vérité, pour se réduire à une codification de l’obéissance. C’est au nom de ce dogme, la pertinence déchue de la théologie, supposée incapable de concourir à l’institution de la res publica des temps nouveaux, que notre modernité politique a pu se concevoir comme la traduction d’un travail philosophique préalable.  Et si le danger surmonté était bien la théocratie, une autre vulgate, répandue celle-ci dès le premier siècle de notre ère par Flavius Josèphe, a suggéré d’en chercher la cause dans la religion première, celle qui, inventant le monothéisme, n’avait pu faire autrement que de lester le royaume terrestre de ses institutions : le judaïsme. Cette saga prométhéenne de la modernité, qui emboîte puissances circonvenues, catastrophes évitées et, à l’aune du sapere aude kantien (« ose savoir ! »), lumières de la raison restaurées, a l’avantage de complaire à la doxa d’une laïcité militante extrême.

Elle a pour seul défaut d’être intégralement erronée.

Notre objectif ne sera pas ici d’en défaire les raccourcis abusifs – ce qui pourrait être l’objet d’une étude distincte et approfondie -- mais d’argumenter simplement d’une idée contraire : le judaïsme, qui a donné au monde la vision du monothéisme, n’a jamais créé de théocratie, s’en est tenu le plus éloigné possible. Tel sera là mon mouvement de pensée : montrer combien la tradition juive, en ses prémisses et prémices, a constamment manifesté, par des concepts qui n’en portent pas le nom, une appétence étonnante pour les principes qui sous-tendent la laïcité. En clair : si la crainte de l’anachronisme commande de ne point affirmer que le judaïsme a inventé la laïcité, il n’est pas exagéré de prétendre qu’il en a posé les distinctions fondatrices.

Notre argumentation empruntera quatre mouvements : la théologie première, celle du rapport entre Dieu et le monde retiendra tout d’abord notre attention. La Bible puis la pensée rabbinique développeront le propos. L’histoire concrète du peuple juif nous instruira ensuite sur la manière dont il a développé, en résilience et en espérance, un sens de l’adaptation, notamment juridique, inhérent à la laïcité. Nous conclurons par une réflexion sur l’actualité de notre société, où le judaïsme, au nom-même de son appétence millénaire pour la laïcité, a une voix utile à faire entendre…

1 - Dieu est-il laïque ?

« Au commencement Dieu créa le ciel et la terre… » : dès les premiers versets de la Bible, les attributs d’une pleine souveraineté de Dieu sur son univers sont en place. Volonté, immédiateté de la création, capacité à créer des mondes par la seule gratuité du langage : la puissance divine se déploie infiniment, son omnipotence se confond par le récit avec son omniprésence, il ne manque plus que l’omniscience à l’appel…

La tradition interprétative du judaïsme, pourtant, n’a cessé de remettre en cause ces évidences trop premières pour être honnêtes. Sa conception de la création s’éloigne d’une souveraineté dont la clé serait la présence, la plénitude ou la puissance. Un célèbre apologue, ainsi, questionnant la manière dont Abraham aurait conçu le monothéisme, nous montre un Patriarche enfant diriger son adoration vers le soleil, pourvoyeur apparent de vie, de chaleur et de lumière. Le soleil chassé par la nuit et la lune, Abraham tourne alors son adoration vers la nouvelle puissance nocturne, avant que celle-ci ne soit à son tour occultée par les nuages, eux-mêmes dissipés par le lever du jour suivant. Abraham comprend alors qu’aucun  de ces éléments ne peut être tenu pour ordonnateur du monde, mais bien plutôt une puissance située au-delà, elle-même absente du monde. C’est à la fois le monothéisme et la transcendance qu’Abraham conçoit ici. Dieu n’est ni un phénomène, ni n’est présent dans le phénomène ; cette coupure épistémologique, Georges Steiner la qualifiait d’abstraction inouïe. Seul le retrait « volontaire » du Créateur dans l’épaisseur du créé rend possible le « monde » -- comme espace de réception des phénomènes. Risquons ici l’analogie : l’abstention fondatrice de Dieu évoque la matrice du dispositif laïque : l’aveuglement volontaire de la puissance publique, puissance organisatrice, permettant la création d’un espace égalitaire.

L’audacieuse proposition d’un  mystique du 16ème siècle, Isaac Louria, a poussé à l’extrême ce dispositif théologique à la saveur laïque. Loin de concevoir la création comme une « expansion » divine irradiant irrésistiblement toute réalité, Isaac Louria avance l’idée d’un « tsimtsoum » (« contraction ») : c’est en annulant un point de son être que Dieu a pu faire place à autre chose que lui-même : donner naissance au monde… Cosmologie à l’éminente teneur éthique, où pointe la possibilité théorique d’un d’espace laïque.

Enfin, cette méthodologie du retrait s’exprime pleinement dans l’idée du Shabbat. Dieu crée le monde en six jours, et le septième il « cesse ». « Cessation » -- et non « repos » : telle est la signification du mot « Shabbat », dont l’hébreu moderne tire de la même racine le mot « grève ». Le droit de grève serait-il divin ? Et Dieu le premier à se l’appliquer ? Au-delà de la boutade, l’intuition biblique est claire : seule la fin de l’activisme divin laisse un espace pour l’agir de l’homme. Dieu cède le monde « pour faire » (Gen. 2, 3).

Quant à la puissance de Dieu, elle n’est en rien diminuée par cette dialectique de la présence / absence. Elle s’évalue bien plutôt dans la grandeur du retrait, car cette puissance n’est pas cosmologique, puissance du phénomène, mais radicalité de l’abstraction, capacité au « creux », à l’évidement : puissance éminemment éthique… Les maîtres du Talmud ont nommé Dieu « ha-maqom », le « lieu », celui qui « donne lieu ». Souveraineté corrélative de son occultation, pour faire place à un « autre » que lui ; n’est-ce point-là le principe premier de la laïcité ?

2 – La Bible, ou l’art des distinctions émancipatrices

La Bible a une pensée politique. Elle la développe sur des bases totalement différentes de la tradition philosophique, pour qui la perfection et la félicité humaine, notamment chez les Grecs, passent par un développement plénier de la raison que les cadres politiques de la cité ont pour charge de promouvoir. Formulé comme tel, ce thème de réflexion est tout simplement étranger à l’univers biblique, où ce sont plutôt les dévoiements possibles de l’association humaine qui retiennent l’attention. Le récit de la tour de Babel en témoigne : l’agir collectif incline facilement au totalitarisme, à la langue unique et au dévoiement de la vocation éthique de l’homme. Les signaux initiaux du politique se déploient ainsi à partir de problématiques humaines plus larges : la recherche de la justice, la liberté, la fraternité.

La laïcité, on le devine, n’en fait pas explicitement partie. Là encore, pourtant, par une série de distinctions entre personnages-types de la vie publique, ou par l’élaboration rabbinique d’une éthique de la discussion notoirement éloignée de tout charisme divin, la Bible propose un modèle de société qui, pour promouvoir le culte rendu à Dieu comme sa plus haute valeur, n’en passe pas moins par une organisation étonnamment laïque.

Judah & Levi

La partition de ces deux fils de Léa[1] marque la capacité de la société hébraïque à se distancier de la dimension religieuse pour organiser une société cohérente. Judah en est l’élément moteur.

Le texte fait entendre comme un pouvoir libérateur de Judah – sa naissance suit celle de Levi – dont le nom, en hébreu, connote l’attachement, l’intimité. Pouvoir libérateur envers sa mère Léa, délivrée de l’obsession de l’enfantement (Gen. 29, 35), mais aussi vis-à-vis de l’histoire globale d’Israël. Lorsque Judah « s’éloigna de ses frères » (Gen. 37), c’est la curiosité sociétale qu’il inaugure, l’ouverture au regard extérieur, la diplomatie et le comparatisme, capacité laïque s’il en est.

Levi représente le modèle inverse, l’entre-soi, l’intimité. La Torah lui sera remise, ainsi que l’office du Tabernacle et du Temple. Mais, savoureuse et réaliste sagesse de la Bible, toujours rétive à l’hagiographie : Levi est décrit, sans complaisance, comme le fils de Jacob le plus violent ! Aux côtés de Siméon, il passe au fil de l’épée un peuple avoisinant pour défendre l’honneur de leur sœur Dina (Gen. 34, 25). Comment, dès lors, comprendre que ce soit ce zélateur de l’ethno-centrisme qui reçoive la Torah ! La leçon prend à rebours bien des clichés : pour les commentateurs, cette élévation à la dignité religieuse ne sanctionne aucunement celui qui le mérite le plus, mais tout simplement celui qui en a le plus besoin. La Torah et le sacerdoce sont ici envisagés de manière laïque : pour sa fonction sociale, sa valeur pédagogique, et thérapeutique. Loin de répondre à une mystique de l’intériorité, le religieux opère comme une méthodologie éthique, un véhicule pour  l’effort, une propédeutique à  l’amélioration humaine.

Aaron et Moïse

Le couple de frères Aaron et Moïse possède une signification politique évidente : leur mission, la sortie d’Egypte, est constitutive du peuple hébreu. La seule évolution de Moïse est révélatrice. Annoncée au buisson ardent, sa mission le charge tout d’abord de gérer les promesses de la fin de l’exil faites aux patriarches. C’est à ce titre, en tant que chef politique, qu’il est placé à  la tête du peuple.

Cette mission est un succès : le peuple traverse la mer rouge et Israël a foi en Moïse (Ex. 14, 31). Mais entre-temps un nouveau projet, totalement inattendu, est donné au peuple : le projet de sainteté (« vous serez pour moi une dynastie de pontifes et une nation sainte », Ex. 19, 6). La théophanie du Sinaï ajoute dès lors au don de la Torah une mise en scène destinée à habiliter Moïse dans son nouveau statut : le chef politique devient « prophète de la loi ».

De cette scène qui aurait vocation à passer pour l’invention de la théocratie, il faudra précisément retenir qu’il n’en est rien. Dieu ne se « révèle » nullement au Mont Sinaï, il donne un texte. Ce qui signifie avant tout : la révolution du savoir. Les hommes ne sont plus déterminés par leur naissance ou leur rang social, mais par leur égalité devant le texte, leur droit à lire Dieu selon leur interprétation. Autre point fondamental : la transmission de l’expérience spirituelle ne passe pas par les prêtres, dont Aaron fonde la lignée, mais par les prophètes – Moïse étant le plus grand d’entre eux. Aaron recevra plus tard charge de culte dans le Tabernacle, mais force est de constater, la caste sacerdotale ne joue aucun rôle politique dans la société : le Sinaï n’implique en rien la théocratie. Ce sont les exhortations, les dénonciations éthiques des prophètes qui, dans l’histoire juive, jouent le rôle moteur, un rôle de trublion, précisément, empêchant constamment  la collusion du pouvoir politique avec le pouvoir sacerdotal.

On ajoutera enfin l’instauration d’une ultime distinction entre Moïse et Jethro. Ce dernier, voyant le souffle prophétique de Moïse s’émousser dans d’épuisants jugements, introduit un pan entier de la législation judiciaire (Ex. 18, 14). Séparation du judiciaire et du politique : la leçon n’en est que plus belle lorsqu’on sait que Jethro[2] est extérieur au peuple juif. L’intégration d’une leçon politique allogène au sein de l’expérience révélée souligne l’enseignement paradoxal, mais implacablement cohérent de la Bible en la matière : la théocratie n’a jamais existé en Israël – c’est son empêchement qui est de droit divin !

Le miqdash (« sanctuaire ») où Dieu ne réside pas

Cette pensée biblique de la distinction trouve sa plus haute expression dans le projet censé institutionnaliser l’expérience du Sinaï : la construction du Tabernacle. Idéal d’un peuple souhaitant offrir à son Dieu une « résidence », lui donner une visibilité sociale, le projet du tabernacle occupe le récit biblique sur plus de quatre-cent versets, dix fois plus que la Création du monde, autour de l’injonction : « ils me construiront un sanctuaire, et je résiderai au milieu d’eux » (Ex. 25, 8).

Les commentateurs ont immédiatement relevé l’étrangeté de la formulation : Pourquoi construire un sanctuaire pour que Dieu n’y réside pas, mais réside « au milieu d’eux » ? Ce paradoxe fait écho à l’objectif de sainteté brusquement assigné aux Israélites après la sortie d’Egypte : « vous serez pour moi un peuple saint et un royaume de prêtres » (Ex. 19, 6). Prenons garde, ici : ce que l’on s’apprête à y dénicher de théocratie appelle en fait à l’interprétation inverse : il ne s’agira, certes pas, que les hommes construisent un sanctuaire pour que Dieu y réside. Mais il ne s’agit pas non plus que le prêtre proclame le nom de Dieu pour appeler sa présence entre les hommes. Il faut comprendre que la tâche incombe d’abord aux hommes de faire résider Dieu entre eux, dans la sphère sociale, de manière strictement humaine ; c’est à ce seul prix que le rituel peut ensuite être authentique.

Le sanctuaire, ainsi, n’est pas le lieu d’une médiation magique, mais une « structure-signe » de ce que les hommes sont censés accomplir de leur propre chef. Cette conception bat en brèche toute conception mythique du religieux.  Si dans la pensée mystique il faut un keli, un « instrument », une « structure » pour qu’une bénédiction liée au divin puisse être reçue, son dispositif n’est jamais pensé comme un opérateur magique, mais pour « faire signe » ; le tabernacle est une architecture du signe. Lorsque les Romains pillèrent le Temple de Jérusalem, leur stupeur fut grande de constater que le sanctuaire n’avait pour objet de culte que le vide… L’institution est nécessaire. Il faut la construire, mais la présence ne réside que dans l’entre-deux des constructeurs. Idée étonnamment proche de la laïcité au sens moderne : la verticalité du rapport à Dieu passe en premier lieu par l’horizontalité du rapport avec les hommes.

Le four d’Akhnaï

L’histoire qui suit, connue comme celle du « four d’Akhnaï », met aux prises deux des plus grands rabbins de leur temps, Rabbi Eliezer[3] et rabbi Yehoshua[4], qui discutent du caractère « kasher » ou non du four d’un certain Akhnaï. Face aux arguments rationnels de Rabbi Yehoshua, Rabbi Eliezer, selon un antique modèle charismatique, a recours aux miracles. « Si j’ai raison, invoque-t-il, que ce caroubier me donne raison ! ». Et le caroubier de se déraciner de cinquante mètres pour lui donner  raison… « Un miracle n’est pas une preuve ! » tonne Rabbi Yehoshua. Cette passe d’armes a lieu plusieurs fois, et à chacune d’elle, un cours d’eau, les murs de la maison d’étude dérogent de manière spectaculaire aux lois de la nature afin d’appuyer Rabbi Eliezer. Convoqué en dernier ressort, Dieu, par une petite voix céleste, entre lui-même dans le débat pour clore la récréation argumentative : « Cessez de contredire Rabbi Eliezer, la Loi juive suit son avis en toute matière ! ». La réplique de Rabbi Yehoshua, elle, passe à la postérité : « La Torah n’est plus au ciel ! Depuis qu’elle a été donnée au Mont Sinaï, nous n’écoutons plus les voix célestes. Cette Torah prescrit d’ailleurs de suivre la voix de la majorité (Ex. 23, 2). Et la majorité est contre rabbi Eliezer. »[5]

On aura peine à argumenter le primat théocratique après une telle histoire. La question étant ici celle de l’autorité et de la vérité, on saisit l’entorse que les sages font ici subir au sens commun… Le texte dit bien ceci : la vérité, fût-elle divine, n’est pas « livrable » en tant que telle, mais fruit de la discussion, tranchée à la majorité. L’arithmétique pour trancher les affaires politiques, passe encore… Mais en matière de vérité  divine, de vérité pure, de « vrai » ou de « faux », comment le vrai peut-il avoir le moindre rapport avec une majorité purement pragmatique, arbitraire ?

Cette compréhension de la vérité induit une révolution copernicienne d’égale ampleur en matière d’autorité. Là où l’approche interprétative de Rabbi Eliezer consiste à capter « l’intention de l’auteur » (Dieu) pour valider l’interprétation « faisant autorité », Rabbi Yehoshua prétend que cette intention, soi-disant originelle, n’est aucunement pertinente pour comprendre le texte. L’accès prophétique à l’intention ne légitime plus l’interprétation. C’est l’autorité du lecteur que les rabbins instaurent comme moteur du judaïsme. Comme si Dieu confiait l’interprétation de sa volonté à ses enfants : laïcité !

3 - Les données de l’histoire juive

C’est une chose de décrire le projet politico-spirituel du Tabernacle dans le désert, et une autre de scruter les institutions développées par le peuple juif sur la scène de l’histoire. Histoire planétaire tellement dense et diverse qu’elle nous dispense de justifier notre sélectivité. En lieu et place, ne serait-ce que d’un rapide survol, elle nous invite à une lecture symptomatique où seront retenus deux « fleurons de laïcité ». D’une part le principe talmudique « dina de-malkhuta dina », « la loi de ton Etat est ta loi », d’autre part les questions adressées par Napoléon, en 1806, sur la solubilité du judaïsme au sein des lois françaises. Bien avant la loi d’une « laïcité d’apaisement » en 1905[6] -- dont le baume fut proportionnel à l’âpreté des combats qui l’avaient précédé --  c’est à un véritable « crash test » sur sa laïcité-compatibilité auquel fut soumis le judaïsme…

Nul besoin, pour ce galop historique, de revenir à certains antécédents bibliques. Jérémie sera ici simplement mentionné qui, après  la destruction du Second Temple par Nabuchodonosor, livre ses recommandations aux exilés : « Ainsi parle l'Eternel-Cebaot, Dieu d'Israël, à tous les exilés que j'ai déportés de Jérusalem à Babylone : Bâtissez des maisons et habitez-les, plantez des jardins et mangez-en les fruits. Epousez des femmes et mettez au monde fils et filles; donnez des femmes à vos fils, des maris à vos filles, afin qu'elles aient des enfants. Multipliez-vous là-bas et ne diminuez pas en nombre. Travaillez enfin à la prospérité de la ville où je vous ai relégués et implorez Dieu en sa faveur; car sa prospérité est le gage de votre prospérité (Jer. 29, 4-7). »

L’accent quasi républicain de ce « travaillez à la prospérité de la ville », dont un passage équivalent est lu chaque semaine dans toutes les synagogues de France, témoigne de la sagesse historique d’un petit peuple dont les armes préférentielles ne pouvaient être que le droit, l’éthique, et la résilience. C’est cette combinaison de conscience identitaire et d’osmose avec la communauté nationale qu’exprime, sur un plan juridique, le principe talmudique que nous allons maintenant évoquer.

« Dina de-malkhuta dina » (« La loi de ton Etat est ta loi »)

Ce principe, dont l’énoncé dans le Talmud fleure bon l’araméen du 3ème siècle, concerne a priori une situation technique : « lorsqu’on est confronté à ceux qui menacent de tuer ou de confisquer, ou à des collecteurs de taxes, il est autorisé de décider qu’il s’agit de terumah, c’est-à-dire de la part du prêtre, ou de la  propriété du roi, même s’il ne s’agit ni de terumah ni  de la propriété du roi. »

C’est à un principe de politique-fiction auquel on a affaire ici : souplesse conceptuelle imaginant de requalifier un impôt d’Etat en catégorie religieuse. Il s’agit, on le comprend, d’abouter deux systèmes juridiques totalement étrangers l’un à l’autre : la loi juive, pensée pour fonctionner de manière autonome, et le système légal du pays où vit la communauté juive. Ce principe méta-légal signifie donc en premier lieu souplesse et loyauté politique -- sur un fond de détermination à perdurer dans son identité.

Discuté par six fois dans le Talmud, le principe avalise l’acceptation de la prise en charge par le pouvoir politique de la bonne administration du pays, la stabilité de la paix publique et la sécurité des transactions économiques. Jusqu’à la période de l'Emancipation, l’extension du principe, bien que considéré comme universel par toutes les communautés sous toutes les latitudes, se cantonnait au domaine de l'autorité politique, excluant la sphère de ce que la tradition appelle le « permis et l’interdit », autrement dit les situations cultuelles et religieuses privées.

Avec l'Emancipation, le principe « dina de-malkhuta dina » prend une signification politique plus large. Les communautés traditionnelles ayant cessé de fonctionner selon une autonomie juridique, la distinction antérieure entre pouvoir politique et pouvoir juridique n’a plus cours. Tout pouvoir législatif et judiciaire émane en dernier ressort du pouvoir politique, et le principe exprime aujourd’hui la maxime laïque par excellence : la renonciation à tout pouvoir politique issu de prescriptions religieuses. Non que les religions soient devenues une stricte affaire privée, car elles peuvent s’exprimer dans l’espace public, mais leur parole, de juridique, s’est « culturalisée » pour participer désormais au concert de la vie démocratique avec une valeur simplement consultative.

Bien avant la loi de 1905, la pensée juive disposait donc déjà d’une clé laïque ; cet élément en quelque sorte organique du judaïsme fut déterminant dans sa survie politique, en tout lieu où il fut minoritaire, autrement dit la majeure partie de son histoire. Napoléon pouvait paraître…

De la Révolution à Napoléon

Avant d’aborder cette histoire encore palpable des français juifs du 19ème siècle, sans doute faut-il rappeler que le sentiment, très partagé par la communauté juive française, de sa profonde intégration au sein de l’histoire nationale, prend racine dans la millénaire histoire des juifs en France, dont les premières communautés sont présentes sur le territoire dès les 2ème et 3ème siècle de notre ère. « Heureux comme Dieu en France » proclamait un proverbe yiddish. Si la maxime survole délibérément quelques sombres éclats[7], la conviction d’une harmonie entre la République, laïque, et le judaïsme, n’aurait pu se concevoir sans ce rappel d’un immense passé commun.

Le point de départ de la modernité politique pour les juifs en France réside dans l’émancipation. Suite aux exhortations du Comte de Clermont-Tonnerre de « tout refuser aux juifs comme nation et tout accorder aux juifs comme individu », l’Assemblée constituante, avant de se séparer, accorde la citoyenneté aux juifs le 27 septembre 1791. Première en Occident, cette émancipation pose le socle d’une reconnaissance pérenne des français juifs envers la République.

Dans les faits, c’est Napoléon qui, le 30 mai 1806, prend un décret prévoyant la formation « … dans notre bonne ville de Paris, [d’]une assemblée d'individus professant la religion juive et habitant le territoire français ». Cent onze membres provenant de l'Empire et du royaume d'Italie se rassemblent pour répondre à un questionnaire serré, censé témoigner de la compatibilité de la loi juive avec la loi française.

La plupart des questions pouvaient paraître rudes, témoignant d’un antijudaïsme encore très prégnant. On notera parmi elles la question numéro quatre, chef d’œuvre de perfidie : « Aux yeux des Juifs, les Français sont-ils leurs frères, ou sont- ils des étrangers ? » -- le total recouvrement entre «  juif » et « français » n’avait sans doute pas encore impacté la conscience du rédacteur… Après ratification, en 1807, d’une deuxième assemblée, la communauté juive se fend d’un vibrant hommage à « Napoléon le grand » : « Béni soit à jamais le Seigneur Dieu d'Israël, qui a placé sur le trône de France, un prince selon son cœur. … nous pouvons désormais bâtir, ensemencer, moissonner, cultiver les sciences humaines, appartenir à la grande famille de l'État, le servir et nous glorifier de ses nobles destinées. ».

Malgré la présomption, dans certaines questions, du caractère inassimilable des juifs au sein de la communauté nationale, les réponses mises en musique par le grand rabbin Sintzheim[8] surent remarquablement éviter les chausse-trappes, fournir les réponses attendues sans déroger à la justesse des enseignements du judaïsme. Au-delà d’une casuistique très affûtée, ce qui frappe dans leurs réponses est le souffle citoyen qui anime le texte. Résultat tangible : en quelques générations, la remarquable intégration des citoyens français juifs à tous les niveaux institutionnels, industriels, économiques de la société, l’élévation participative dans l’échelle sociale de générations entières dans le tissu de la vie nationale.

Institutionnellement, le Consistoire d’alors, qui ne portait pas l’étiquette de « libéral » mais en possédait l’intelligence politique, accompagna lui aussi cette mue d’une religion encore méprisée au début du 19ème siècle. L’hagiographie nous servira ici d’exemple : l’image bien connue du rabbin Bloch[9] sur l’un de ces champs de la mort de 1914, brandissant la croix à un concitoyen catholique pour l’accompagner dans ses derniers instants chrétiens. C’est un fait : malgré les vents mauvais de l’affaire Dreyfus, l’antisémitisme des années 30, menant en droite ligne à l’antisémitisme d’Etat du régime de Vichy et à la déportation de plus de 76 000 juifs à partir du territoire français, autant de trahisons au pacte républicain de 1791, le CV républicain des français juifs est demeuré impeccable. Malgré une communauté décimée au tiers, cette loyauté est demeurée au coeur de la présence juive en France dans la deuxième moitié du 20ème siècle, renouvelée avec l’arrivée des juifs d’Afrique du nord, dont beaucoup avaient déjà connu le lait républicain avec la loi Crémieux dès 1870.

De nos jours, la clarté de ce pacte républicain se voile de nombreuses inquiétudes. Tout d’abord parce que l’une des basses continues de l’histoire française, un antisémitisme aujourd’hui résiduel mais jamais complètement éradiqué, refait surface de manière décomplexée : c’est, à l’été 2014, moins de soixante-dix ans après la Shoah, ce « mort aux juifs » entendu dans les rues de France. La plasticité d’un antisémitisme toujours prêt à renaître sous de nouveaux oripeaux inquiète également. Le dernier avatar en date se recycle en anti-sionisme pour battre sa coulpe -- et sa mauvaise conscience post-colonialiste -- sur la poitrine d’Israël. Cette haine produit des résultats tout à fait tangibles : la torture d’Ilan Halimi en 2006, le massacre en mars 2012 dans une école juive de Toulouse ou encore la prise d’otages et le massacre de l’Hyper Cacher de la Porte de Vincennes en janvier 2015, ont durablement marqué les français juifs ces dix dernières années.  Facteur aggravant : le sentiment de n’avoir pas été soutenu par la communauté nationale.

Beaucoup de français juifs, ainsi, s’interrogent aujourd’hui sur leur avenir en France, et s’ils ne posent pas la question pour eux-mêmes, ils se la posent pour leurs enfants. La mobilité accrue des jeunes générations accentue le phénomène : beaucoup ont fait le choix de quitter la France, et le nombre des « aliyot » (« montées », émigration vers Israël), à l’étiage habituel de 2500 personnes par an, s’est brusquement élevé en 2015 à 8000 personnes -- les statistiques de tendances indiquent le maintien d’un niveau élevé pour 2016 et les années à venir.

Mais au-delà des aspects communautaires pris par certaines affaires -- le mot de « communautarisme » étant volontiers instrumentalisé par les pouvoirs publics, sans que l’analyse gagne nécessairement en clarté --, il convient de prendre de la hauteur pour embrasser une question politique qui concerne la communauté nationale dans son ensemble : son rapport avec les religions historiques, ainsi que sa particularité institutionnelle, franco-française, la laïcité. La conviction de l’auteur de ces lignes est que l’appétence millénaire du judaïsme pour le concept de laïcité le destine à contribuer utilement au débat.

Aujourd’hui

Le contexte autour de la laïcité est aujourd’hui brouillé.  Controverse en 2016 sur l’Observatoire de la Laïcité, polémiques autour des menus de substitution dans les cantines scolaires, « Hijab Day » à Science-Po, tempête autour d’un menu halal qui aurait été exigé pour la visite du président iranien Rohani à l’Elysée en 2015 : la laïcité se trouve constamment sous les feux de la rampe. Mais en dehors des questions d’interprétation, elle doit cet honneur à un autre phénomène qui opère un retour massif au sein de nos sociétés : le « problème théologico-politique ». La modernité, gauche en tête, pensait l’avoir évacué, mais il revient aujourd’hui avec une force qui ne s’explique que par la violence du refoulé. De quoi s’agit-il exactement ?

Avant tout d’une question, métaphysique et politique, qui anima les Anciens pendant des siècles : comment orienter, guider les destinées d’une société à l’aide de principes vrais ? Leur réponse en appelle à un principe de connaissance : s’il est des vérités, celles-ci sont à saisir au-delà de la sphère humaine. Cet au-delà de la seule expérience du monde, les Anciens l’appelaient « cosmos », les médiévaux « transcendance ». L’idée, elle, demeure constante : il n’est possible de donner de « valeur », de « sens » à notre monde qu’en y appliquant des principes dont la vérité se situe au-delà de nous. Le « sens » ne se crée pas, avant tout il se reçoit.

Pourquoi sommes-nous, dès lors, si désemparés face au fait religieux qui, par le biais de l’islam notamment, cherche à s’imposer dans l’agenda quotidien comme une évidence, dans une société qui pensait l’avoir définitivement éradiqué ? Tout simplement parce que cette réponse des Anciens, cette validité d’un au-delà de la seule expérience humaine est précisément celle que la modernité a choisi de mettre hors-jeu au 18ème siècle. C’est ici que le judaïsme, qui a partagé, théorisé ce dispositif théologico-politique par la plume de ses plus grands philosophes, Maïmonide (1135-1204) en tête, et qui a également su s’en dégager pour embrasser le mouvement de la modernité, a vocation à faire entendre son expérience.

Tout d’abord pour aider à corriger un tropisme fréquent chez les analystes politiques, les journalistes ou les défenseurs de la laïcité qui, dans leur diagnostic, opèrent invariablement une réduction du religieux au seul aspect de  la « foi ». Ce tropisme provient à l’évidence de ce que leur modèle implicite est le christianisme. L’appliquer aux autres religions est une grossière erreur, qui obère toute pertinence, notamment dans leur approche de l’islam. Le judaïsme le sait, qui a partagé avec l’Islam cette culture théologico-politique, grandiose relecture de Platon et de sa théorie du roi-philosophe à la lumière de la Révélation, où la Loi, celle du Sinaï ou celle de Mahomet, est pensée comme une sagesse à la fois surnaturelle et rationnelle. Contre cette primauté de la loi au coeur du vécu religieux, le christianisme a historiquement joué la « foi », le « croire » comme seul garant authentique de spiritualité. Il ne s’agit pas de juger ici des mérites comparés de telle ou telle religion : simplement de comprendre que ce tropisme de la « foi » pour analyser nos actuelles situations en lien avec la laïcité, handicape totalement notre compréhension face au retour de « pensées de la Loi ». Cette conscience, tout comme la « culturalisation » de la loi opérée par le judaïsme à l’orée de la modernité, peuvent ainsi contribuer à une approche plus fine de ce retour du théologico-politique.

Ce retour exprime également, en creux, la perception d’un manque lié au projet-même de la modernité. Toute entière dédiée à son projet de domination de la nature, la modernité politique a coupé le cordon entre les cieux et la terre, puis remplacé le dispositif théologico-politique par le contrat social. Principe : l’individu s’y déleste de certains droits pour en gagner davantage en devenant citoyen d’une Nation, entité supérieure seule pourvue de souveraineté.

Système magnifique qui, pendant deux siècles, nous a donné l’autonomie, l’individu, la liberté, la fin des arbitraires monarchiques, l’égalité citoyenne et last but not least, l’idéal d’une émancipation pour tous par la connaissance. Mais alors, où est le problème ? C’est le réel qui nous le dicte. 2015 et 2016 nous en ont montré les symptômes : ce modèle de la modernité politique est à bout de souffle.

Le problème de la modernité, c’est qu’en supprimant toute référence à un « extérieur » de la seule sphère politique, elle ne met rien d’autre à disposition de ses citoyens que du présent. Un présent permanent, hostile à tout « antérieur » possiblement constituant (identité, filiations, histoire). Le seul moyen, dans un tel système, pour se « donner du sens », pour prendre quelque distance face au réel en l’absence de toute transcendance, est finalement de se choisir pour cible ! Nous avons donc adopté pour régime la boulimie d’auto-critique – narcissisme industriel où le citoyen ne retrouve toujours… que lui-même ! Cette fatigue de nous-mêmes, dont nos sociétés témoignent aujourd’hui, n’a pas d’autre source. Le judaïsme, là aussi, a depuis longtemps travaillé ces questions : la mémoire longue, sa transmission à chaque génération exigent à la fois l’inscription au sein d’un héritage reconnu, et l’audace de son renouvellement, de son dépassement. Spiritualité, droit d’inventaire et laïcité ont ici des choses à se dire…

Que faire ? Il est hors de question de renoncer aux fruits de notre modernité politique, car cet héritage des Lumières, de la liberté et de la connaissance est encore le nôtre. Mais sans doute est-il question de faire émerger de nouvelles structures politiques, d’imaginer les institutions de demain où, sans transiger sur la laïcité, l’individu puisse rêver spirituellement plus large que de défendre le seul pré carré de ses droits formels, droits toujours plus catégoriels, toujours moins tournés vers la loyauté citoyenne[10].

Nous appelons de nos vœux, pour ce 21ème siècle, la création de structures médiatrices. Médiatrices, pour organiser la rencontre entre société civile et instances de l’Etat autour d’un thème qui n’a pas encore atteint sa maturité en France, la spiritualité. Elles ne pourront d’ailleurs le faire que si elles veillent scrupuleusement à proposer des plateformes « inter-convictionnelles », mêlant acteurs religieux et non religieux. Médiatrices également dans le rôle qu’elles pourraient jouer sur le terrain. Si l’enjeu est de s’adresser à des segments de population parfois éloignés, ou rebelles à l’autorité publique, leur rôle serait de faire remonter l’expression des identités -- de plus en plus souvent captées par le seul prisme de l’identité religieuse, vers la notion plus large de citoyenneté.

Le retour du problème théologico-politique n’est pas une malédiction. Sachons le reconnaître, le nommer, le capitaliser par les structures médiatrices adéquates. Le judaïsme, au nom même de sa longue expérience d’une harmonie entre un cœur spirituel et une expression quasi-laïque de ses convictions, peut apporter ici une expertise : contribuer à l’effort collectif qui nous permettra de retrouver les bons coagulants, afin de réenchanter le peuple français.

Y. B. / Dictionnaire engagé de la république -- Judaïsme & laïcité                        


[1] Première femme de Jacob, et l’une des quatre Matriarches (avec Sarah, Rebbeca et Rachel). Le récit de la Genèse raconte que Dieu lui accorde la fécondité alors que Jacob lui préférait Rachel, sa sœur, également son épouse. Elle donne naissance à sept enfants : Ruben, Siméon, Lévi, Juda, Issachar, Zabulon et Dinah.

[2] Lorsque Moïse fuit l’Egypte après avoir tué un Egyptien, il se réfugie chez Jéthro, grand-prêtre des Madianites, dont il épouse la fille Sephora. Après la sortie d’Egypte du peuple, Jethro vient à la rencontre de Moïse et, juste avant le don de la Torah au Mont Sinaï, lui donne un certain nombre de conseils législatifs.

[3] Considéré comme l’un des plus grands Sages du Talmud, Rabbi Eliezer ben Hyrcanos appartient à la deuxième génération des « Tannaïm » (nom donné collectivement aux Sages dont les avis sont cités dans la Mishnah, la première partie du Talmud) -- génération active entre la destruction du 2ème Temple en 70 è.c. et la révolte de Bar-Kokhba (132-135 è.c.) Son nom est indissociablement lié à celui de Rabbi Yehoshoua ben Hanania, son fidèle ami et contradicteur. Son inflexibilité et son opposition au principe de la majorité, à la suite de la controverse que nous rapportons, lui valurent d’être excommunié du Sanhedrin, la plus haute instance rabbinique décisionnaire – sans cesser de jouir du respect de ses élèves.

[4] Contemporain de Rabbi Eliezer, et son contradicteur favori, Rabbi Yehochoua ben Hanania fut l'un des membres influents de l'Académie de Yavné, qui assura une continuité au judaïsme après la destruction du 2ème Temple. Il œuvra pour la réconciliation des deux écoles d’interprétation opposées, celles d’Hillel et de Shammaï, et pour que prévale l’interprétation des textes la plus conciliante et la plus modérée. Leader du peuple juif sous le règne d'Hadrien, il tempéra les aspirations à la rébellion après que fut refusée la reconstruction du Temple.

[5] TB, Baba Metsia 59b.

[6] Loi adoptée le 9 décembre 1905 portant sur la séparation des Églises et de l'État. Bien que fondatrice de la laïcité en tant que norme d’organisation des pouvoirs publics et de ses rapports avec la société, la loi ne comporte ni le mot « laïque » ni le mot « laïcité », dont l’insertion dans un texte constitutionnel n’aura lieu qu’en 1946, dans le premier article de la constitution de la 4ème République : «  La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale ».

[7] On songera ici à l’exclusion systématique des juifs de tous les circuits économiques dès le Haut Moyen-Âge ; aux persécutions récurrentes, en particulier au temps des Croisades ; aux treize expulsions qui, de 533 à 1941, furent toujours accompagnées d’une spoliation préalable ; à la déportation de plus de soixante-seize mille juifs à partir du territoire français pendant la Seconde guerre mondiale.

[8] David Sintzheim (1745-1812) fait partie des six délégués des Juifs d’Alsace aux États généraux de 1789. Il marque de son empreinte la première assemblée des notables convoquée par Napoléon en 1806, avant de présider le Grand-Sanhédrin chargé d’entériner  les réponses. Il devient par la suite le premier Grand-rabbin de France.

[9] Episode qualifié de « mythe national » par certains historiens, Abraham Bloch (1859 - 1914), rabbin aumônier des armées, aurait accompagné, lors de la guerre de 14-18, les derniers instants d’un soldat de confession catholique en lui tendant un crucifix. La scène, située au col d'Anozel dans les Vosges, se serait déroulée avant qu’Abraham Bloch ne soit lui-même mortellement blessé à cette occasion. Source de maintes pieuses iconographies, ce récit participe d’une volonté de célébrer la fraternisation des soldats de toutes origines religieuses, dans une époque encore marquée par l’antisémitisme de l'Affaire Dreyfus.

[10] Voir l’annexe.

(texte de 2016)

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