Des « Origines du Totalitarisme » à sa description du procès Eichmann en termes de « banalité du mal », Hannah Arendt incarne au plus haut point la liberté de pensée. Une volonté farouche de penser par soi-même, tout autant que l’extrême vigilance de toujours penser en lien avec les événements. Leo Strauss, quant à lui, incarne un chemin a priori plus académique mais non moins « organique » : sa redécouverte du problème théologico-politique doit tout à sa volonté de s’extraire de l’impasse que représentait pour lui sa condition de jeune juif en Allemagne en 1920. Comment mesure-t-on le potentiel d’actualité d’une pensée ? La profondeur, ici, rejoint l’explosivité : impliquée – à tort – dans la controverse sur le « néo-conservatisme » aux Etats-Unis, la pensée straussienne révèle toute sa pertinence avec le retour du religieux au sein de nos sociétés. Le religieux ? Yeshayahou Leibowitz n’aura cessé d’en être une des voix les plus authentiques, et en même temps l’un des pourfendeurs les plus intransigeants lorsque celui se pique de visées politiques. L'un des intellectuels les plus marquants de la société israélienne, ses avis tranchés – et lumineux -- sur l’éthique, la politique, la religion et le sort d’Israël lui font mériter ce titre de « prophète en colère » -- terme de « prophète » qu’il récusait du haut de sa modestie combative.
Trois pensées tonitruantes, profondes, qui au sein de leur problématiques propres, rencontrent la pensée d’Israël sous ses formes diverses, religieuse ou non religieuse. Trois vies , et aussi trois parcours juifs. Trois individus vrillant leur chemin personnel dans la fureur du 20ème siècle, la guerre, la Shoah, la rugueuse aventure du sionisme, les soubresauts de la vie israélienne. Hölderlin disait : « Le génie c’est de rendre simple quelque chose de compliqué. Et si possible, quelque chose de simple en encore plus simple ». Avait-il en tête -- par avance et de toute éternité -- nos trois penseurs ?
Enregistrement réalisé le 23 mars 2021.