Un préjugé tenace veut que le judaïsme n’ait pas de pensée politique. Les succès de la pensée grecque, parmi lesquels l’invention de la démocratie, y sont sans doute pour beaucoup dans cette occultation de la vision hébraïque – ajoutons à cela le déni de la Loi juive, dont la théologie catholique pré-Vatican II a fait un usage répétitif. Ce préjugé, il va sans dire, a été totalement démenti par le retour d’une souveraineté politique juive avec la création de l’Etat d’Israël ! Et ce n’est pas un hasard. Persistance du rêve, imprégnation bimillénaire de toutes les « années prochaines à Jérusalem », mais surtout : une très ancienne et puissante pensée du politique.
Là où la Cité grecque visait à créer les conditions pour mener l’homme vers sa perfection, l’exercice de la Raison, les intuitions premières de la Bible sont différentes. Pulsion de survie, risque du totalitarisme, dégradation de l’essence du langage : ce sont plutôt les dangers suscités par l’association humaine qui retiennent l’attention de la pensée hébraïque. Soucieux de dignité humaine, et de sa perte toujours possible, les « départs » du politique se développent pour la tradition autour des trois thématiques de la justice, de la liberté et de la fraternité. Pas de théorie, ici, mais des scènes à l’humanité éternelle. On y verra Abraham invectiver Dieu – et inventer à cette occasion le droit naturel – Joseph introduire la dimension du temps en politique, Moïse, enfin, opposer à toute tyrannie présente ou à venir, ce message universel : la liberté est possible…
« Il se pourrait que nous ne soyons plus jamais capables de comprendre les choses que nous sommes capables de faire », pronostiquait Hannah Arendt à l’orée du 20ème siècle. Nous faisons le pari, ici, que la vision hébraïque nous ouvre quelques horizons !
Enregistrement réalisé le 30 mars 2021.