Le langage précède le monde ! – tel est le message grandiose de la Genèse, et sans doute l’une des intuitions les plus profondes de la Torah. Mais ce langage, apanage d’un Dieu créateur, synonyme de sa puissance, est ensuite partagé, « insufflé » à l’homme. Bien avant que Lacan ne le qualifie de « parlêtre », l’homme a été considéré par la tradition comme essentiellement défini par sa capacité au langage, un « ‘haï ha-medabber », un « vivant qui parle » ! Puissance de nomination (des animaux et du monde), capacité à s’adresser à Dieu, réceptivité à l’impératif de la Loi (« Ayéka », « où es-tu ? ») : cette faculté de langage, qui élève clairement l’homme à une dimension distincte dans la Création, ne va pas sans risques. Les premiers balbutiements de notre noble espèce échouent lamentablement. Adam et Eve se parlent comme à des objets, le déni de dialogue entre Caïn et Abel aboutit au meurtre, et il faut attendre Abraham pour que le langage devienne un outil spirituel (par la prière, par exemple), un projet humain… de participer au projet divin.
Nous suivrons ici la construction, les avancées et les reculs, les perversions et les noblesses de cette parole humaine, sans omettre de visiter quelques intuitions du langage très intéressantes chez Maïmonide, le Maharal de Prague, Rosenzweig ou encore Walter Benjamin.
Enregistrement réalisé le 2 février 2021.